Quelle est la probabilité d’une guerre civile en Israël ?

En 1994, la CIA a créé un groupe de travail composé d’historiens, d’experts en conflits et d’analystes, dont Barbara Walter, conçu pour anticiper les guerres civiles et pour comprendre quels pays sont susceptibles de connaître des violences politiques. À l’origine, le modèle comprenait environ 30 indicateurs différents, tels que la pauvreté, l’inégalité et la diversité ethnique. Plus tard, ils ont réalisé que la mesure la plus importante est la proximité du pays avec l’anocratie. Par Yehouda Bethléem pour Israël Magazine.

L’anocratie est un état intermédiaire entre démocratie et autocratie appelé «régime hybride », où augmente le danger d’une explosion de violence et de guerre civile. À quel point en sommes-nous proches? Au cours des 60 dernières années, on a mesuré la probabilité que des pays se retrouvent dans des situations violentes. Selon cet indice récemment publié en 2022, Israël occupe une bonne place au milieu, marqué dans la couleur verte apaisante, loin des pays « rouges » à l’autre bout. Nous ne sommes certes pas la Finlande, qui est à la première place et stable, mais sous la catégorie moyenne « plus stable ». Au pire endroit sont placés le Yémen et le Soudan, sous la couleur rouge qui signifie « avertissement sévère ». L’indice international incite-t-il à un optimisme prudent ?

Selon des experts, la probabilité que ce scénario survienne en Israël est faible mais non nulle. Il semble au vu des polémiques autour du projet de changement du système judiciaire, que l’usage des termes comme «guerre fraternelle » ou « guerre civile » soient utilisés comme s’il s’agissait d’une nouvelle culture pop. Le terme ne fait pas référence à deux groupes de citoyens qui s’affrontent, mais à une guerre de citoyens contre le gouvernement.

Autrement dit, une guerre civile est une situation où les citoyens brûleraient la Knesset et non leurs concitoyens. Les guerres civiles surviennent généralement lorsque les membres les plus militants d’un groupe social particulier sentent qu’il n’y a pas d’autre option et se tournent donc vers la rébellion armée. Par conséquent, la crainte est que les protestations soient limitées ou n’aient aucun effet. L’un des dangers d’une révolution judiciaire ou administrative est que les canaux de la participation civile, comme la liberté d’expression et le droit de manifester, la possibilité de sortir dans la rue sans crainte d’être arrêté, soient limitées. Que resterait-il ?

Les uns contre les autres ?

Des Israéliens, compagnons d’armes, se battront les uns contre les autres. Deux voisins qui regardaient le football ensemble, se tireront dessus dans la rue. Il y a une forme de déni, en nous accrochant à la pensée que cela n’arrivera pas ici. »

Du sang, des coups et une bagarre commence dans un hôtel avec des chaises en plastique et des parasols qui volent. Des sacs de sable au supermarché, une école primaire qui devient un champ de mines. Dans une guerre civile, il y a une violence organisée avec un haut niveau de victimes et de morts. C’est une milice organisée avec comme adversaire le gouvernement. Un groupe armé se retourne ainsi contre les institutions étatiques. Le coût des pays pris dans une guerre civile est énorme. Le résultat est désastreux, nombre de victimes, implications économiques.

Les experts conviennent qu’une guerre civile en Israël n’est pas impossible, mais n’est pas non plus la plus probable. D’un point de vue historique, la chance est faible, parce que le processus d’éclatement d’une guerre civile est souvent impromptu. Aujourd’hui, la révolution judiciaire justifiée que le gouvernement met en place, déchire la société israélienne. Il existe des précédents historiques de situations de lutte intraétatique en Israël. La période du début de la colonisation juive, les luttes entre les clandestins, l’histoire d’Altalana et l’accord de réparation des Allemands.

Lors de la destruction du Second Temple, il y eut une guerre fratricide à l’intérieur de Jérusalem. Un groupe minoritaire fanatique réussit à connecter l’hostilité contre le gouvernement romain et l’hostilité envers les élites, prenant le contrôle des bastions du gouvernement à Jérusalem. Ils se sont entretués par milliers.

Qui détient les armes ?

Pour comprendre quel groupe pourrait déclencher une guerre civile, il faut d’abord répondre à une question fondamentale : Quel groupe possède des armes ? Les armes sont une condition nécessaire pour une guerre civile et s’opposer à un gouvernement. Mais ici ils iront manifester, n’auront pas recours à la violence. C’est possible qu’il y ait de la chaleur, qu’il y ait des affrontements, que les forces de l’ordre nuisent aux manifestants, mais alors cela ne sera pas une guerre civile mais une violence unilatérale.  »

La gauche n’est peut-être pas allée armée à la Knesset, mais elle a menacé le gouvernement d’un Coup d’Etat militaire. Les Israéliens des Implantations n’ont, quant à eux, aucun intérêt à attaquer les institutions. Il y a ainsi plus de chances que nous assistions plus au déclin progressif d’Israël en tant que démocratie qu’à une guerre civile. Certes on parle de la réforme juridique, mais c’est la question de la place de la religion en Israël qui prend de l’importance.

À quoi ressemblerait une guerre civile en 2023 ?

L’image historique des guerres civiles comme la Guerre civile américaine, nous montre deux armées se battant jusqu’au bout. Dans son livre « How Civil Wars Begin » de 2022, Barbara P. Walter affirme que les guerres civiles d’aujourd’hui sont différentes de celles des siècles précédents. Elle décrit des milices organisées, non centralisatrices, réparties dans tous les États-Unis, utilisant des moyens modernes, y compris les médias sociaux tels que Facebook qui aident ces éléments d’extrême droite à accéder à des postes de pouvoir, et font douter les citoyens à travers de fausses nouvelles.

Si les gens perdent confiance dans le processus démocratique, ils préféreront choisir un système alternatif et placer le pouvoir entre les mains des individus qui garantissent la protection et un avenir sûr », écrit Walter.

Ainsi, lorsque Trump a affirmé que « l’élection avait été volée », il a ‘encouragé’ une émeute sur Capitol Hill. Walter prévient que la prise de Capitol Hill en janvier 2021 est un événement déterminant, qui aurait pu marquer le début d’une guerre civile. Elle explique que les nombreuses milices qui s’organisent à travers les États-Unis rapprochent les États-Unis du point de non-retour, même si « la plupart des Américains ne peuvent pas imaginer une autre guerre civile dans leur pays ».  

« Depuis la mise en place du nouveau gouvernement, nous avons vu un groupe qui s’oppose au changement de régime descendre dans la rue et l’on s’attendait à ce que les choses dégénèrent. La Yougoslavie n’était pas considérée comme un échec une décennie avant la guerre. Avant que les violences n’éclatent, il y avait des voisins et des mariages entre différentes communautés de l’ex-Yougoslavie – puis tout a explosé. Progressivement, puis d’un seul coup.

Une démocratie qui fonctionne est le meilleur moyen d’empêcher une guerre civile,

Mais voulons-nous la démocratie ? Il y a un sentiment, parmi beaucoup, de catastrophe. La réponse est de parvenir à un accord entre les différents groupes d’intérêt. S’efforcer d’obtenir des accords, afin que les groupes centraux de la société se sentent vus. Accords entre la coalition et l’opposition, et à un stade ultérieur entre d’autres groupes de la société.

Une solution : un référendum.

Même si la probabilité d’une guerre interne est presque nulle, la droite comme la gauche la craignent. Il n’y a jamais eu de référendum en Israël. Ce référendum montrerait le visage de l’État. Il obligerait les gens à se parler.

SOURCE: ISRAEL MAGAZINE

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Andre Darmon

Andre Darmon, romancier, est le rédacteur en chef d'Israël Magazine. Israël Magazine 25 ans déjà de présence dans le paysage médiatique franco-israélien. Andre une voix journalistique à part, originale, sioniste, juive mais aussi professionnelle.

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