Les chercheurs israéliens sauveront-ils Eli, ce petit américain ?
Le Dr. Eddy Pichinuk du Centre Blavatnik pour la Découverte de nouveaux Médicaments de l’Université de Tel-Aviv, travaille sans relâche avec son équipe pour trouver un médicament susceptible de sauver Eli, un enfant américain de deux ans souffrant d’un syndrome neurologique rare qui empêche son cerveau de se développer normalement, et n’a pour le moment pas de remède.
En décembre 2019, le Prof. Ehud Gazit, Directeur du Centre Blavatnik pour la Découverte de nouveaux médicaments de l’Université de Tel-Aviv, a reçu une demande émouvante émanant d’un écrivain, avocat et conférencier juif américain vivant à New-York, du nom de Scott Reich, dont le fils, Eli, âgé de neuf mois seulement à l’époque, venait d’être diagnostiqué comme souffrant d’un syndrome génétique grave et extrêmement rare du nom de FOXG1, trouble neurologique qui affecte gravement le développement du cerveau. Il n’existe qu’environ 700 cas connus dans le monde d’enfants atteints de ce syndrome, presque tous souffrant de handicaps graves. En raison de sa rareté, cette maladie dévastatrice attire peu de chercheurs et n’a pas de remède.
Une bibliothèque de 7 000 substances approuvées
Refusant de perdre espoir et déterminé à sauver son fils, Scott a cherché partout dans le monde des experts capables de développer un traitement pour ce syndrome. Sur les conseils et recommandations de scientifiques et de professionnels de la santé de premier plan, il s’est adressé au Centre Blavatnik pour la Découverte de nouveaux médicaments de l’Université de Tel-Aviv, spécialisé dans un domaine appelé ‘réutilisation des médicaments’, c’est-à-dire le réemploi de médicaments déjà approuvés pour le traitement d’une première pathologie pour traiter une maladie totalement différente, dans le but d’aider les personnes atteintes de maladies rares, trop souvent négligées par les grandes sociétés pharmaceutiques. Le Dr. Eddy Pichinuk, Directeur de l’unité de criblage à haut débit (HTS – technique visant à étudier et à identifier dans les chimiothèques des molécules aux propriétés nouvelles, biologiquement actives) du Centre, dont l’équipe menait déjà des recherches pour plusieurs autres familles, a volontiers accepté le nouveau défi. La course contre la montre pour sauver le petit Eli avait démarré.
Le Dr. Pichinuk et son équipe ont utilisé un échantillon des cellules d’Eli, qui avait été déposées dans une biobanque d’échantillons biologiques de maladies rares, et ont établi une plate-forme personnalisée de criblage de médicaments pour tester la réaction de ces cellules à une variété de molécules connues, sûres et approuvées par la FDA. Leur but était de trouver un médicament, développé à l’origine pour une autre maladie, qui augmenterait la quantité de protéine FOXG1 dans le cerveau d’Eli, compensant ainsi le déficit causé par la mutation dont il souffre. Les chercheurs étaient conscients du fait que cela pourrait être le dernier espoir de l’enfant: une fois un médicament sûr et efficace identifié, Eli pourrait l’utiliser par une procédure d’autorisation spéciale.
Le centre Blavatnik pour la Découverte de nouveaux médicaments (crédit: Jonathan Bloom).
«Notre plateforme de criblage est basée sur l’usage d’une protéine bioluminescente, ou protéine marquée, utilisée pour remplacer la protéine défectueuse dans les cellules d’Eli», explique Le Dr. Pichinuk. « Nous passons au crible une bibliothèque d’environ 7 000 substances approuvées par la FDA, initialement développées pour traiter toute une gamme de maladies, telles que le cancer, les troubles psychiatriques ou divers syndromes inflammatoires, et testons la réaction de la protéine marquée à chacune d’entre elles. Nous n’en sommes qu’au début du processus, mais nous avons déjà découvert plusieurs médicaments-candidats ayant le potentiel d’aider à sauver l’enfant, et nous continuons en rechercher d’autres ».
Selon le Dr. Pichinuk, la prochaine étape consistera à utiliser des méthodes avancées de d’ingénierie génétique pour transformer des cellules de peau d’Eli et de ses parents en cellules souches, puis en neurones. En fin de parcours, les chercheurs testeront l’effet des médicaments choisis sur les neurones de l’enfant, dans l’espoir que l’un d’entre eux réussira à restaurer le rythme de développement normal du cerveau. Les chercheurs sont optimistes.
Une « petite startup »
Scott de son côté refuse de perdre espoir: « Quand on nous a annoncé le diagnostic de la maladie d’Eli, j’ai dit à mon épouse Lisa que nous devions nous rendre en Israël pour trouver le savoir-faire, l’expérience et la pensée hors du commun dont nous avions besoin. Nous avons contacté la communauté juive aux Etats-Unis et nos amis israéliens, grâce à qui nous sommes entrés en contact avec le Centre Blavatnik. Dès le premier jour nous avons senti que nous étions arrivés au bon endroit. L’équipe est créative, travaille vite et est sincèrement dévouée à la recherche d’un traitement pour notre fils. Pour nous, dans la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons, cette relation a une importance capitale. Je prie chaque jour pour la guérison de mon fils, mais je sais que l’équipe du centre Blavatnik fait tout ce qu’elle peut pour qu’Eli continue de vivre ».
Le Dr. Avi Raveh, Directeur scientifique du Centre Blavatnik pour la découverte de nouveaux médicaments, explique que le Centre propose une approche de recherche particulière, appliquant une méthodologie de médecine personnalisée aux maladies rares. « Nous répondons aux demandes des familles du monde entier, souvent au dernier moment avant qu’elles ne perdent espoir. Contrairement aux grandes institutions de recherche, nous ressemblons à une petite start-up dynamique, éliminant ou accélérant toute la bureaucratie pour aller droit au cœur du problème. Dans le cas d’Eli Reich, la fenêtre d’opportunité pendant laquelle une intervention médicale est encore possible se fermant rapidement, cette flexibilité est cruciale. J’espère vraiment que nous pourrons l’aider ».
«Cela fait un an que nous avons décidé de venir en Israël et de nous adresser au Centre Blavatnik, et nous pouvons affirmer aujourd’hui que ce fut le bon choix pour nous », conclut Scott Reich. « Grâce à l’esprit de collaboration israélien, nous avons également recruté des chercheurs de l’Institut Weizmann et de l’Université Ben Gourion à nous rejoindre. En tant que Juifs, nous nous sentons à l’aise en Israël sur le plan émotionnel, et c’est le bon endroit pour nous pour mener notre lutte pour sauver notre fils bien-aimé. 2021 sera une année critique pour Eli. Nous attendons de nouveaux résultats de recherche, et restons optimistes ».
SOURCE : Site de l’Association française de l’Université de Tel-Aviv